samedi 16 octobre 2010

Jean-Christophe Norman, entretien en cours, épisode 1


Après une première rencontre en juillet 2010, Jean-Christophe Norman et moi même avons décidé de préciser notre échange par écrit. L'artiste m'explique ainsi quelle est sa pratique, de sa genèse à son développement, et je réagis, l'interroge, jour après jour. Jusqu'à...?

Jean-Christophe Norman: Dans les années 90, j’étais, ce qu’on a coutume d’appeler, un athlète de haut niveau. Je pratiquais l’alpinisme et l'escalade en solitaire. Cela représente un moment important dans mon existence, durant lequel j’ai beaucoup expérimenté des “situations”. Je n’ai jamais été très au fait des pratiques classiques. Rapidement, j’ai recherché des voies nouvelles, des expériences à vivre. Et je suis allé assez loin dans cette voie.
Subitement, alors que je préparais un projet dans les alpes, j’ai du interrompre pour des raisons de santé. J’ai fais des épisodes d’hypoxie très sévères, je ne pouvais, pour ainsi dire, plus respirer. Chaque geste demandait un effort considérable et enchaîner quelques pas était devenu presque impossible. C’est un peu, comme si, d’un seul coup, l’espace se réduisait à néant. Quand, j’ai posé des questions à des médecins, ils m’ont répondu que mon diagnostic vital était péjoratif à court terme. Cela avait l’avantage de la clarté !
Étrangement, c’était un moment assez joyeux. Je me trouvais dans une situation où je pouvais décider - je veux dire, prendre une vraie décision qui m’engage. Ce contexte très particulier allégeait les conséquences de mon choix. En un mot, j’étais libre. J’avais en mémoire ce passage de Montaigne reproduit en exergue de “la cave” de Thomas Bernhard. “Finalement, il n’y a aucune constante existence, ni de notre être, ni de celui des objets. Et nous et notre jugement et toutes choses mortelles vont coulant et roulant sans cesse”.
Donc, au moment précis où l’on m’a annoncé sans trop de ménagements, ma “situation” clinique, j’ai décidé d’être artiste. Je me rappelle très précisément cet instant. J’étais assis au bord d’une fenêtre, et cette décision était un saut. Finalement, le temps a contredit cette fatalité. Des solutions ont été trouvées. Des actes médicaux réalisés. Entre temps, deux années s’étaient écoulées. Deux années durant lesquelles j’ai élaboré les fondements de ma pratique artistique basée sur la répétition, la “marche mentale”, l’écriture, d’autres formes de respiration.

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