vendredi 8 avril 2022

Des espaces artistiques comme lieux pratiqués

 

Minimarket, Quelqu'un d'autre t'aimera, Alexis Camille Chevalier, 2019



Texte publié dans le journal de l'Université d'été de la Bibliothèque Kandinsky

« Est un lieu l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence. […] La loi du "propre" y règne : les éléments considérés sont les uns à côtés des autres, chacun situés en un endroit "propre" et distinct qu’il définit. Un lieu est donc une configuration instantanée de positions. Il implique une indication de stabilité.1 » En 1980, dans L’invention du quotidien, Michel de Certeau fait une distinction très nette entre le lieu et l’espace. « Il y a espace dès qu’on prend en considération des vecteurs de direction, des quantités de vitesse et la variable du temps. L’espace est un croisement de mobiles. […] L’espace serait au lieu ce que devient le mot quand il est parlé, c’est-à-dire quand il est saisi dans l’ambiguïté d’une effectuation […].2 » Si la lecture est l’espace produit par la pratique du lieu que constitue un ensemble de signes – un écrit –, la rue géométrique définie par l’urbanisme est transformée quant à elle en espace par les marcheur·euses. On connaît la proposition, aujourd’hui historique, des situationnistes3 d’échapper à la segmentation des cartes normées en arpentant les rues d’une ville grâce au plan d’une autre. « Un ami, récemment, me disait qu’il venait de parcourir la région de Hartz en Allemagne à l’aide d’un plan de la ville de Londres dont il avait suivi aveuglement les indications.4 » Ralph Rumney ne raconte pas autre chose : « Je me suis une fois perdu à Cologne, sans pouvoir demander mon chemin, ne parlant pas l’allemand ; mais en me servant d’un plan de Londres, j’ai rapidement trouvé le restaurant de Spoerri et l’adresse de George Brecht.5 » Spoerri avait ouvert son restaurant à Düsseldorf… Rumney était vraiment perdu. Mais les situationnistes confirment là qu’ « [e]n somme, l’espace est un lieu pratiqué6 ».

À leur suite, comment certain·es artistes contemporain·es européen·es, à priori cantonné·es aux lieux artistiques normés, ordonnés, ont-iels pratiqué des lieux pour créer des espaces ? Je souhaite décrire ici certaines tactiques destinées à transformer des lieux – où l’usage, autoritaire, est imposé – en espaces où l’art agit ; des lieux inhabituels, publics, réappropriés par les artistes en vue de retourner le pouvoir de légitimation et de s’échapper de conventions souvent bien trop restrictives. 

 

Jeu de reins jeu de vilains, Lucie Pannetrat, Drame de poche, 2017

En 1962, Robert Filliou, inconnu sauf par un petit nombre d’ami·es, n’a pas souvent l’opportunité d’exposer son travail. En observant les vendeur·euses de rue qui présentent leurs maigres marchandises sur le trottoir, à la sauvette, l’idée germe de faire de sa casquette un espace d’exposition privilégié : La galerie légitime. Dorénavant, tout ce qui se trouve sous le couvre-chef est authentifié chef d’œuvre, à commencer par le crâne de celui·celle qui en est recouvert·e. « À l’intérieur de ma casquette, au sommet de ma tête, j’avais de petites œuvres. J’allais le long des rues à pied et j’adressais la parole à d’autres piétons. Le dialogue pouvait prendre, par exemple, la forme suivante : je demandais "Monsieur ou Madame ou Mademoiselle, est-ce que l’art vous intéresse ? " Si l’on me répondait "Oui, oui" je disais "Et bien, savez-vous que j’ai une galerie ? " Si mon interlocuteur manifestait de l’intérêt, je lui disais "La voici, ma galerie. " Mes œuvres se trouvaient là, à l’intérieur de mon chapeau. Puis, nous les regardions ensemble.7 » À Paris la même année, il organise une marche dans la ville avec Benjamin Patterson : le « Fluxus Sneak Preview ». À cette occasion, Filliou porte un chapeau dans lequel sont placés des objets conçus dans des boîtes d’allumettes par Patterson. Les deux artistes suivent un parcours dans Paris imaginé par Maciunas, entre la Porte Saint-Denis et le café de La Coupole, de 4 heures du matin à 21 heures. Des cartons d’invitation, conçus par Maciunas, mentionnant les différentes étapes, ont été envoyés au préalable, reproduisant là les codes d’un système décrié. Ils posent ensemble une question très simple : qui décide de la légitimité d’un·e artiste ? Qui possède les lieux où l’on valide les créations ? « Filliou a cette notion de l’art populaire, qui se tient au niveau de la rue. Il faut enlever l’art d’entre les mains des artistes et des professionnels qui l’ont confisqué et le rendre aux hommes et femmes du peuple auquel il appartient… Et aux enfants.8 » 

Cinquante ans plus tard et tout aussi illégitime aux yeux d’un monde établi, Caroline Saves se met à hauteur d’enfant et choisit de faire de la poche arrière de son pantalon un « micro-espace d’art contemporain ». Alors qu’elle est étudiante aux Beaux-Arts de Lyon, elle s’empare de ce bout de tissu pour créer un espace disponible itinérant. « La poche était à la fois un espace d’exposition mobile, nomade, mais qui pouvait permettre aux artistes de se réapproprier la ville et aussi des lieux d’expositions déjà existants, raconte-t-elle : les vernissages des expositions se faisaient toujours lors d’un autre vernissage dans un espace d’art contemporain et sans prévenir les hôtes […] Le plus drôle c’est que, pour certains vernissages, il y avait plus de personnes qui venaient parce qu’elles avaient vu ma communication (sur internet) que de visiteur·euses pour l’inauguration officielle dans laquelle nous nous étions incrusté·es9 ». Jeu de rein / Jeu de vilain a malheureusement fermé en 2018. 

Nicolas Koch lui, ne pourra jamais décider de la fermeture totale de la Kairos Gallery (2015) : ouverte dans le pli de son coude, elle est délimitée par un tatouage qui forme un carré de 5cm sur 5cm. Toutefois, les œuvres sont mouvantes, fragiles et éphémères. En tant que spectateur·rices, il faut savoir saisir le moment propice pour les observer – d’où le nom de la galerie. Christophe Cuzin y a peint un carré rouge basculé de côté, qui s’échappe de l’espace donné. Stéphane Bérard a tenté de dessiner sur la peau la marque d’un hématome au stylo Bic. Dora Garcia a choisi quant à elle d’effacer le tatouage grâce à du maquillage anticernes du même teint que la peau de Nicolas. Tout comme ceux de Jeu de reins (…), les vernissages de la Kairos parasitent les galeries traditionnelles. Aujourd’hui, la galerie « continue de circuler, dans le pli du bras de Nicolas Koch, avec ou sans exposition, au gré des occasions opportunes, au gré de ces moments où tout se décide, ces secondes d’éternité.10 » Du chapeau à la poche en passant par le coude, les artistes, devenant l’espace même de l’exposition – donc de légitimation –, se réapproprient avec humour un pouvoir de validation qui leur est trop souvent confisqué.

Kunsthalle Tropical, Installation de la bibliothèque, 2016


Si le corps et ses attributs semblent bien évidemment les premiers lieux immédiatement disponibles et transportables partout, les enjeux ne sont néanmoins pas les mêmes selon l’assignation de genre, le contexte socioculturel et les espaces où ce corps est exposé. En tant que personne assignée femme, exposer des œuvres sur son « cul » pour attirer l’attention nous paraît être le signe d’un humour teinté de cynisme quant à la réalité d’un certain monde artistique. Néanmoins, transformer ces « lieux insolites » en espaces d’art nous semble relever, pour reprendre le vocabulaire de de Certeau, « de tactiques traversières », de celles qui « n’obéissent pas à la loi du lieu11 » : loin de se conformer aux usages prérequis, les artistes en inventent de nouveaux. D’autres lieux tels que le sommet d’une montagne, un quai de vaporetto, un désert islandais, une aire de jeux pour enfant·es ou une cabine téléphonique ont ainsi pu échapper à leur qualification première grâce à l’intervention d’artistes.

Parfois, l’énonciation seule permet de modifier le lieu. Performative, la déclaration de changement de statut ouvre les possibles, autorise l’imagination à s’échapper vers des concepts irréalisables à priori. En 1971, Július Koller, artiste conceptuel, ufologue, sceptique et joueur, a l’idée de fonder la Galeria Ganku, « un musée virtuel », au sommet des Hautes Tatras en Slovaquie – une montagne très prisée des alpinistes. Bien qu’aucune œuvre n’y ait jamais été exposée, cet espace de projection lui a permis d’explorer des idées et d’ouvrir des possibilités qui n’auraient autrement pas trouvé leur place, notamment dans le contexte tchécoslovaque répressif de la « normalisation » installée suite au Printemps de Prague. 

Trente ans plus tard, Roman Ondák, de même nationalité, reprend les mots de son aîné dans une lettre adressée au ministre slovaque de la Culture : « Cher Ministre, pouvez-vous soutenir mon intention d’établir un Musée Virtuel d’art contemporain ? Bien à vous, Roman Ondák ». Sur un quai au bout de l’Arsenal à Venise, l’artiste a fait poser une dalle, telle une pierre de fondation pour le musée virtuel (2003-2007). Ce sont ces mêmes aspirations d’ouvrir pour l’art des espaces non conformes qui ont poussés Marcel Meury et Sandino Scheidegger à fonder le 19 juillet 2012 la Kunsthalle Tropical, « un espace imaginaire concret de forme quadratique dans les hautes terres islandaises12 ». Sise dans le nord-est de l’île, dans le désert rocheux à la frontière des Highlands, la Kunsthalle Tropical est « un domaine de projection », une « sculpture sociale13 ». Bien qu’elle soit située dans un lieu spécifique, elle se développe avant tout dans l’imagination14. Ce lieu désertique, hostile et inhabité se voit transformé en espace artistique par le simple fait de l’énoncer comme tel. Les propositions sont avant tout performatives, immatérielles et éphémères. Des cartons d’invitation sont envoyés, qui constituent l’exposition elle-même car, dans la lignée du mail art et de l’art conceptuel, il n’est plus question de distinguer fiction et réalité. « L’examen de l’espace n’est pas une question de dualisme entre le réel par rapport au virtuel ou le matériel par rapport à l’immatériel. Il s’agit plutôt de l’analyse d’une réalité élargie et du procès de réalisation d’une telle réalité dans les conditions institutionnelles de la Kunsthalle Tropical.15» En 2015, des étudiant·es avaient eu pour projet de lire des énoncés conceptuels en survolant les lieux en avion, mais en raison de l’éruption soudaine de Bárdarbunga, un volcan voisin, la tentative a échoué. Toutefois, en 2014, une réelle bibliothèque a été installée : une équipe a cérémonieusement enterré le premier et le seul livre de Kunsthalle Tropical. Placée au préalable dans un coffre-fort industriel, Parfois, l’attention devrait être portée à l’absence de tout – une ode manuscrite et illustrée unique, dédiée à la vision des commissaires d’exposition pour cet espace – est toujours en terre, sur place. Aujourd’hui, Marcel Meury a fait migrer la Kunsthalle en Suisse, au sommet de la montagne Terrain Piz Uter et continue de faire de cette institution, entre fiction et réalité, un espace de projection.

Kunsthalle 3000, Match de boxe entre Marcel Meury et Thomas Geiger, 2016

« Pas de porte, pas de gardien, pas d’entrée, pas de guide, pas de toilettes, pas de cartels, pas de magasin ». Bien que définie par la négative, la Kunsthalle 3000, elle, n’en est pas moins très concrète. Sise dans le Alois Drasche Park, dans le quatrième arrondissement de Vienne en Autriche, elle occupe une aire de jeux pour enfants, abandonnée : cinq plots en bois en guise d’assise face à un tableau noir pour jouer à l’école. En 2016, inspiré par l’expérience islandaise de ses amis, Thomas Geiger décide de créer une Kunsthalle consacrée à l’art performatif et immatériel. Reprenant les codes de l’institution, il finance le projet grâce à de généreux·ses donateur·ices qui voient leur nom gravé sur une plaque dorée vissée sur une des assises. Florence Jung y fait livrer des pizzas pendant une semaine, j’y ai raconté l’exposition contée de Jeff Perkins, Thomas Moor a proposé un jeu de speed art, Eric Hatan a restauré le tableau… L’aventure viennoise s’est close par un hommage à Arthur Cravan, soit un match de boxe entre la 3000 (représentée par Thomas Geiger) et la Tropical (représentée par Marcel Meury). L’histoire ne dit pas qui a gagné. La Kunsthalle 3000 a ensuite migré à Johannesburg au creux du square Beyers Naudé, au sein de dalles manquantes, à Genève sur les marches menant au parking de la place de Plainpalais, à Beyrouth dans les ruines d’une maison de la péninsule de Dalieh, à Paris devant le magasin Habitat de la place de la République. Elle reprendra du service à Brétigny en 2022.


Pour de Certeau, la stratégie relève du « calcul où la manipulation des rapports de forces devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir et de pouvoir (entreprise, armée, cité) est isolable ». Au contraire, « la tactique n’a pour lieu que celui de l’autre. Aussi doit-elle jouer avec le terrain qui lui est imposé tel que l’organise la loi d’une force étrangère.16 » La tactique est l’art du·de la faible, de celui·celle qui doit opérer dans un ordre déjà existant et imposé. Ces espaces ouverts par les artistes qui s’incrustent, reprennent les codes assignés pour les détourner ; ils jouent sur le terrain de l’autre – l’institution, l’espace public. Or les exemples rencontrés sont portés majoritairement par des artistes occidentaux assignés hommes. Ne pas prendre en considération cela, c’est omettre que l’espace public est un espace masculin ; le sujet de vouloir et de pouvoir est déjà l’homme blanc cisgenre hétérosexuel. Comme le remarque Christine Bard dans son étude sur les manifestations féministes, des suffragettes aux Femen, « […] les femmes n’ont pas un égal accès à ce répertoire, qu’il s’agisse de moyens traditionnels (grève, manifestation, rassemblement, meeting...) ou pas. Le coût à payer, psychologique et social, est toujours plus élevé pour elles. Il leur faut surmonter des inhibitions, braver des interdits, autant d’obstacles inexistants pour les hommes qui peuvent au contraire trouver des bénéfices ou des gratifications dans des rôles militants virils. La domination incorporée est ici en cause.17 » Exposer dans des espaces non dédiés, non protégés, est un engagement sensible à la variable du genre. Les ruses déployées par les artistes assignées femmes sont ainsi différentes : la performance y est moins présente, le corps moins exposé, les lieux – des vitrines – fermés, parfois gardés secrets. 

 

SecretPlace, Sonia Kacem  ©Jenna Calder.

« Le lieu secret est un lieu sans nom. Le lieu secret est un lieu sans adresse. Le lieu secret est un lieu sans horaires d'ouverture. Le lieu secret est un lieu sans vernissage.18 » Défini également par ce qu’il n’est pas, The Secret Place est ouverte par Florence Jung et Emilie Guenat en 2016, sur le quai 2/3 de la gare de Bienne (Suisse), dans une ancienne cabine téléphonique. Visibles par tous·tes, les propositions artistiques qui y ont lieu ne sont jamais annoncées comme telles et le nom des artistes n’est pas donné lors de l’évènement. Financé par Lokal-int19, on découvre au détour de leur site internet la liste des artistes exposé·es dans l’ancienne cabine : Sonia Kacem, Annaïk Lou Pitteloud, Christoph Gossweiler, Manuel Burgener ou encore Ghita Skali. San Keller, premier artiste invité, a choisi d’agrandir le logo non-fumeur affiché un peu partout dans la station, rappelant violemment les règles du lieu. Ghita Skali, une des dernières artistes à être intervenue, reproduit une devanture de magasin ultramoderne : une enseigne lumineuse chromée, « CCD », accompagnée de bandes vinyles reproduisant les mêmes lettres et d’un logo gris-bleu élégant, le tout assorti d’une adresse mail et d’un slogan « www.completuredevice.com, more than promised, a promise ». Nouvel épisode des Narratives Machines – une recherche qui collecte les anecdotes et rumeurs glanées sur le net, l’artiste reprend là le nom d’un dispositif prétendument inventé par l’armée égyptienne qui pourrait guérir le sida et l’hépatite C : « le dispositif de guérison complète ». Pour qui n’irait pas chercher sur internet, la devanture passe pour une enseigne publicitaire habituelle ; la proposition artistique passe totalement inaperçue. Secret mais ultra visible sur le quai de la gare, l’espace permet à l’art d’agir par surprise, sans prévenir.

À Lyon, c’est au sein d’une épicerie de nuit que les œuvres s’insèrent, perturbant quelque peu l’ordre dicté par les prix des produits de consommation courante. « Je crois que tout le monde en a ras le bol de répéter sa participation à de grosses machines dont les projets se ressemblent tous20 » déclare en 2019 Thily Vossier, alors étudiante aux Beaux-arts de Lyon. L’année précédente, avec sa consœur Fanny Lallar, étudiante à Cergy, elle a convaincu Nabil Boussetta, gérant de la superette du quartier de la gare de Perrache, d’investir son magasin pour y proposer des expositions. Il accepte, à condition que le lieu garde sa fonction marchande. « En posant ses conditions, il définissait les termes d’un partage entre l’art et la vie de son commerce, disons une éthique formulée comme un contrat de cession – d’un peu d’espace, de temps et d’attention accordés à l’art, sans frais21 ». Devenu malgré lui le médiateur des expositions, Nabil Boussetta est ravi, bien que ses recettes n’aient pas augmenté. L’exposition « Quelqu’un d’autre t’aimera », annoncée dans le catalogue de la Biennale de Lyon 2019, connaît un vif succès ; à la grande surprise des commissaires, le public de l’art contemporain se trouve réuni pour boire des cannettes sur le trottoir plutôt qu’aux vernissages officiels. Le ras le bol évoqué par Thily Vossier se manifeste très probablement aussi de cette manière-là. Les habitué·es en sont quant à elleux venu·es à appeler le minimarket, « le musée ».

 


Minimarket, Quelqu'un d'autre t'aimera,Victor Yudaev, 2019

Si les modes opératoires inventés par les artistes procèdent d’une variation opérée au sein d’une partition bien connue (jeux avec les codes du vernissage et de l’exposition), les artistes deviennent néanmoins acteurs·rices de leurs modalités de visibilité. N’ayant pas toujours les sésames pour exposer dans les lieux prétendument légitimes, iels créent leurs propres espaces en refusant d’obéir à la loi des lieux assignés. Iels travaillent en commun, invitent d’autres artistes, créent des espaces propices à la rencontre, l’échange. Iels y jouent, les transforment, proposent d’autres usages, refusent d’être défini·es par les lieux investis. « Ce sont des types d’opérations différentes : les stratégies technocratiques cherchent à créer des lieux conformes, qui quadrillent, imposent. Les tactiques, elles, utilisent, manipulent, détournent.22 » Du sommet du crâne à celui d’une montagne, de la poche d’un pantalon à la vitrine d’une superette de nuit, d’un carré tatoué à une cabine téléphonique, ces artistes empruntent des chemins de traverse pour redessiner les lignes – aléatoires – du pouvoir et tracer de subversives cartographies artistiques.

1 Michel de Certeau, L’invention du quotidien, 1. Arts de Faire, Poche, 1980, p. 173

2 Ibid.

3 Dont le nom « se rapporte à la théorie ou à l’activité pratique d’une construction de situations » (Anonyme, « Définitions », Internationale situationniste n°1, juin 1958, p. 13, repris dans Internationale situationniste (1970), Librairie Arthème Fayard, Paris, 1997, p. 13).

4 Guy Debord, « Introduction à une critique de la géographie urbaine », Les Lèvres nues n° 6, septembre 1955, p. 14, repris dans Les Lèvres nues 1954-1958, Editions Plasma, Pars, 1978, n. p.

5 Ralph Rumney, Le Consul, Entretiens avec Gérard Berréby en collaboration avec Giulio Minghini et Chantal Osterreicher, Allia, Paris, 1999, p. 72.

6 Michel de Certeau, op. cit., p. 173. Souligné dans l’original.

7 Robert Filliou, cité dans Pierre Tilman, Robert Filliou nationalité poète, Les Presses du Réel, Dijon, 2006, p. 71-72.

8 Pierre Tilman, op. cit., p. 71.

9 Caroline Saves, citée par Julie Portier, « Lyon, ville morte », La Belle revue, 2019 [https://labellerevue.org/fr/focus/2020/ville-morte], page consultée le 9 septembre 2021.

10 Alain Farfall, Une truculente histoire sans preuves, [Monographie de Nicolas Koch, 2004-2017], Lyon, ADERA, 2017, n. p.

11 Michel de Certeau, op. cit., p. 51.

12 Stefan Wagner, Darling turn up the heating! – tropical thoughts about a rambling art space [https://kunsthalletropical.xyz/about], page consultée le 21/09/2021. Nous traduisons.

13 Présentation de la Kunsthalle Tropical, [https://kunsthalletropical.xyz/about], page consultée le 21/09/2021. Nous traduisons.

14 « Elle sert l’imagination et est servie par l’imagination » Idem. Nous traduisons.

15 Idem. Nous traduisons.

16 Michel de Certeau, op. cit., p. 60-61.

17 Christine Bard, « "Mon corps est une arme", des suffragettes aux Femen », Revue Les temps modernes n° 678, Gallimard, 2014, p. 213.

18 Le Lieu secret, [https://lokal-int.ch/secret/], page consultée le 13/10/2021.

19 « Lokal-int est un lieu dédié à l’art contemporain.
Lokal-int offre un espace pour des expériences et des travaux expérimentaux ; loin des contraintes des institutions artistiques représentatives et du marché de l’art, il offre la possibilité de développer des positions artistiques inédites et de les mettre en discussion. » Voir [https://lokal-int.ch/], page consultée le 13/10/2021.

20 Thily Vossier, citée par Julie Portier, « Lyon, ville morte », La Belle Revue, [http://www.labellerevue.org/fr/focus/2020/ville-morte], page consultée le 13/10/2021.

21 Julie Portier, ibid.

22 Michel de Certeau, op. cit., p. 51.

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